Le tengu, esprit protecteur mystérieux du mont Kurama

Six millions d’années, un homme déhanché surgit sur une montagne. Voilà le genre de récit qui, au Japon, ne relève pas seulement du conte mais s’enracine au cœur du mont Kurama, au nord-est de Kyoto. Ici, chaque sentier, chaque pierre semble murmurer le souvenir du tengu, l’esprit gardien au visage flamboyant, protecteur aussi célèbre qu’insaisissable.

Le Mont Kurama : que faut-il savoir à propos ?

Kurama trône au nord-est de Kyoto, et n’a rien d’un sommet ordinaire. Ses pentes attirent autant les randonneurs en quête de panoramas que les voyageurs fascinés par le sacré. Selon la tradition, ce mont serait le repaire de l’un des tout premiers dieux du shintoïsme. Il y aurait fait son apparition il y a des millions d’années, prenant forme humaine, armé d’un pic, posture singulière gravée dans l’imaginaire local. Au cœur de cette montagne se trouve le fameux site Kurama-yama, un ensemble de temples qui se déploie sur le flanc nuageux du mont, tout proche de Kyoto. Ces sanctuaires ont été restaurés en 1949, perpétuant une ambiance à la fois mystique et paisible qui marque chaque visiteur.

Le temple Kurama-dera

Impossible de parler du mont Kurama sans évoquer le temple Kurama-dera. Fondé en 770, ce monument a traversé les époques, accueillant divers courants religieux avant de développer sa propre interprétation du bouddhisme. Niché en pleine nature, il se rejoint à pied par un sentier ou via un funiculaire, offrant à chaque pas une plongée dans une atmosphère chargée d’histoires anciennes. L’air y est imprégné d’un mélange subtil de spiritualité et de mystère, palpable dès l’arrivée sur le site.

Le sanctuaire Yuki-jinja

Érigé en 940, le sanctuaire Yuki-jinja se distingue aujourd’hui surtout grâce au festival Kurama no Hi Matsuri, une célébration du feu qui anime chaque mois d’octobre. Après avoir traversé le Kurama-dera, les marcheurs découvrent ce petit sanctuaire shinto, adossé à un cèdre sacré qui s’élève fièrement vers le ciel, comme un repère pour les croyants et les curieux.

Le Tengu : un esprit gardien du Mont Kurama

La légende japonaise raconte que le mont Kurama est sous la surveillance d’un esprit redouté et respecté, le tengu.

Le Tengu : de quoi s’agit-il concrètement ?

Le tengu incarne une figure incontournable du folklore nippon. Son visage rougeoyant, son nez proéminent tout aussi écarlate, et ses ailes confèrent à cette créature une apparence à la fois humaine et aviaire. Au Japon, il figure parmi les yokai, ces entités mystérieuses parfois invisibles, dotées de pouvoirs magiques et capables de bouleverser l’ordre des choses. L’histoire du tengu apparaît pour la première fois dans le Nihon Shoki, un texte fondamental rédigé en 720, pilier de la mémoire japonaise. Selon cet ouvrage, le tengu s’apparente au tiangou chinois, et l’influence de Garuda, créature mythique d’origine hindoue et bouddhiste, plane sur son image.

Quid du Tengu qui garde le Mont Kurama ?

Le mont Kurama n’a jamais cessé de nourrir les récits peuplés de tengu. Longtemps perçus comme capables de jeter des sorts néfastes, ces esprits ont fini par se transformer en gardiens du mont, protecteurs de cette enclave à la frontière du réel et du surnaturel. Leur double nature, à la fois divine et fantomatique, se lit dans leur représentation mi-humaine, mi-oiseau.

En arrivant à la gare de Kurama, difficile de manquer la grande statue de Sojobo, roi des tengu et figure emblématique du lieu. C’est lui qui accueille les visiteurs, dressant fièrement son long nez vers le ciel. En 2017, un hiver rigoureux a eu raison de ce nez, fracturé sous le poids de la neige. Une fois restaurée, la statue de Sojobo s’est vue rejointe par un autre tengu, cette fois affublé d’une moustache monumentale, preuve, s’il en fallait, que la légende vit et s’adapte, année après année.

Sur le mont Kurama, chaque pas rappelle que l’invisible façonne les paysages autant que les hommes. La prochaine fois que vous emprunterez un sentier sous ces cèdres millénaires, demandez-vous qui veille vraiment sur la montagne, et qui, parmi les voyageurs, sait encore reconnaître le passage d’un tengu.